Approximativement
Initiée dans une pizzeria un soir de 1992, l'expérience des comix façon Cornélius ne dura que deux ans mais fut marquante pour les auteurs comme pour la jeune maison d'édition. Laboratoire ou récréation, le "Mune Comix" de JC Menu, "Le nain jaune" de David B et le "Ossour Hyrsidoux" de Joann Sfar, offrirent à ces auteurs débordants d'idées de tester leurs envies "en temps réel". À la différence de ses camarades, qui empilèrent de façon jubilatoire les débuts et les pistes avortées, Lewis utilisa le support avec rigueur, intégrant ses recherches à un projet plus large.
Dans les "Approximate Continuum Comics", ce dialoguiste fertile s'attache à décrire "la vie sans intérêt d'un individu ordinaire". Pourtant, loin d'orchestrer la plate chronique de l'insignifiance, il parvient avec une ironie roborative à rendre le quotidien plus singulier, sans jamais sombrer dans les travers du nombrilisme. Maniant avec virtuosité l'art de l'introspection et de la dérision, il passe au peigne fin ses relations avec ses amis, sa mère, sa femme, le "vulgum pecus" du métro parisien ou même sa propre conscience.
Grand admirateur de Carl Barks, il emprunte à l'inventeur de l'Oncle Picsou son diabolique sens du rythme et du détail qui fait basculer la lecture en terre inconnue. Tournant le dos au naturalisme, Lewis invente une autobiographie anti-réaliste qui donne le premier rôle à l'imagination. Son style animalier, plus juste et plus évocateur qu'aucune caricature ne saurait l'être, croque les autres avec générosité et donne son caractère intemporel à ce livre brillant qu'on ne se lasse pas de relire.
À NOTER : Cet ouvrage n'est plus disponible en librairie.
• Lewis Trondheim
• Collection Pierre
• 160 pages en noir
• 17 x 24 cm
• Couverture souple avec rabats